Homélie du Père Guy de Lachaux pour la nuit de Noël 2021
Accueillons Dieu qui vient se mettre entre nos mains
Nous avons cheminé ensemble tout au long de l’Avent pour arriver à ce moment, avec un cœur ouvert pour l’accueillir dans notre vie. Alors, commençons avec précaution par oser le prendre dans nos bras. Attention, il est fragile ! Car Dieu s’est livré aujourd’hui entre nos mains…
C’est d’ailleurs bien le signe dont parlent les anges aux bergers dans l’évangile que nous venons d’écouter : « Vous trouverez un nouveau-né, emmailloté, et couché dans une mangeoire ».
« Vous trouverez un nouveau-né » : … c’est une vie qui commence, c’est un avenir plein d’espérance qui est ouvert, c’est la joie des parents pleins d’admiration devant la vie qu’ils ont donnée… mais c’est aussi un grand mystère ! Aujourd’hui, cette naissance nous fait rentrer dans le mystère de Dieu !
« Un nouveau-né emmailloté » : … c’est-à-dire pieds et poings liés, complétement dépendant, entre les mains de ceux qui l’entourent, à la merci de l’attention des autres. Sa vie ne tient qu’à un fil, le fil de notre accueil !
« Et couché dans une mangeoire » : … pas un lit, pas un berceau, mais une simple mangeoire, sans autre richesse que la vie qu’on voudra bien lui donner, les sourires qui lui diront qu’on a envie qu’il vive, le lait du quotidien qu’on voudra bien lui partager…
Noël nous dit avec force, mais sans drame, le chemin que Dieu entend prendre avec nous : Dieu désire nous approcher en se mettant entre nos mains. Il est prêt à ce que nous fassions ce que nous voulons de sa vie. Il vient se plonger dans notre humanité sans autre défense que celle du nouveau-né. C’est le Cardinal Marty, alors archevêque de Paris, qui disait avec son accent du Rouergue : « Dieu est venu se plonger dans notre humanité, il n’est pas venu simplement faire trempette ! », c’est-à-dire goûter du bout des doigts de pied à la température de l’eau de notre humanité ! Il est venu s’y plonger pour que, comme le disaient les premiers chrétiens, l’l’homme puisse trouver sa véritable dignité, ou Saint Irénée : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ! »
Aujourd’hui, laissons parler ce signe qui a été donné aux bergers pour que chacun d’entre nous puissions aussi le reconnaître.
« Vous trouverez un nouveau-né … ». Sur le chemin de la fraternité entre les hommes, voilà qu’il nous invite d’abord à être attentif à tout signe de fraternité qui naît.
Souvent, nous nous épuisons à regarder ce qui ne va pas. Mais la manière de faire de Dieu est l’inverse. Il nous dit : « Centre ton regard sur ce qui naît. Ne perds pas ton temps à te lamenter sur ce qui n’est pas, mais porte toute ton attention à ce qui germe, à tous ces petits germes de vie qui ne cherchent qu’à grandir… »
C’est le même Cardinal Marty qui disait : « Trop souvent, nous avons les yeux attirés par les murs qui s’écroulent, et nous ne remarquons pas les petites fleurs qui germent au pied ! »
En ce jour de Noël, prenons résolument ce chemin : Ne courrons pas après les grandeurs, mais accueillons dans nos bras tous ces germes de vie, de fraternité, qui ne demandent qu’à grandir… mais à condition qu’il y ait des bras pour les accueillir, pour les bercer, pour les nourrir. Et nous percevrons alors qu’au cœur même de cet accueil, il y a quelqu’un… celui qui, il y a 2.000 ans, est venu se mettre entre nos mains !
« Un nouveau-né emmailloté … » : C’est sûr, c’est encore bien ténu, bien petit ; une simple chiquenaude suffit pour que ça s’écroule…
Je prendrai comme exemple celui de mon frère et de ma sœur. Ils sont brouillés et ne se parlent plus depuis 20 ans. J’ai annoncé à mon frère que notre sœur était en soins palliatifs. Il a donc décidé d’aller la voir. Ils ont passé une heure ensemble, ont parlé de leurs enfants et petits-enfants… et se sont quittés… En fin de compte, c’est une relation encore bien emmaillotée… et il faudra sans doute encore bien des efforts pour qu’elle se solidifie…, mais si nous mettons celui qui était emmailloté il y a 2.000 au cœur de l’événement, alors quelque chose de grand va sans doute pouvoir naître et grandir…
« … et couché dans une mangeoire » : Voilà que trop souvent ces fraternités qui naissent sont mises au rang du négligeable, du trop frêle… car pas très gratuites, quelquefois même un peu intéressées. Mais Dieu, Lui, est prêt à tout accueillir, même si ce n’est pas très clair… et il nous invite à prendre le même chemin. Car l’essentiel, c’est, avec Lui, de savoir accueillir le seul et unique cadeau qui peut révolutionner le monde ! Mais quel est-il ?
Mardi dernier, j’étais à la Résidence des Chênes Verts, avec certains d’entre vous, pour fêter Noël avec les résidents. Et j’ai ressenti que, pour eux, il n’y avait qu’un seul cadeau qui pouvait les combler, c’était l’amour qu’on pouvait leur transmettre… et qu’ils ressentaient très fort dans la messe que nous vivions ensemble. Combien, pour eux, célébrer Noël était attendrissant et fort… car c’était Dieu qui se lovait entre leurs mains. C’est avec eux que j’ai senti cela avec une grande force !
Aujourd’hui, accueillons Dieu qui vient se mettre entre nos mains… et mesurons le formidable cadeau qu’il nous fait !
Père Guy de Lachaux