Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 4ème dimanche de l'Avent 2021
Une fraternité humble et féconde
Regardons d’abord le chemin parcouru au cours de ce temps de l’Avent.
Le 1er dimanche, nous avons pris conscience que la fraternité ce n’est pas simplement un mot… mais un chemin sur lequel on s’engage et qui demande une sacrée conversion...
Le 2eme dimanche, nous avons découvert, avec François, que la fraternité concerne toute la création. Nous faisons partie du monde des vivants. C’est donc bien d’une réconciliation universelle qu’il s’agit.
Le 3eme dimanche nous a fait prendre conscience que chaque être vivant est mon frère ou ma sœur. Alors, nous suggère Jean Baptiste, avançons dans ce sens à petits pas. Ce qui sauve, c’est de faire un pas, encore un pas, c’est toujours le même pas que l’on recommence » A. de St Exupéry.
Aujourd’hui, c’est avec Marie que nous allons avancer de façon ultime vers Noël, et à travers un geste tout simple qui est un geste de fraternité. Elle part visiter sa cousine qui, elle aussi, est enceinte alors qu’elle n’arrivait pas à avoir d’enfant.
Un petit mot a accroché mon attention dans ce récit, c’est le mot « avec empressement ». Pourquoi s’est-elle rendue avec empressement chez sa cousine. C’est pour une raison très simple : quand on porte comme, avec la venue de l’ange, une telle nouvelle, on a besoin de la partager avec quelqu’un. Avec qui pouvait-elle le faire ? Pas avec Joseph ! Pas non plus avec sa famille, car elle devient la honte ! Il n’y a éventuellement que sa cousine qui peut la comprendre… C’est pourquoi, toute affaire cessante, elle part. Mais c’est un long voyage – 150 kilomètres à dos d’âne. Elle traverse toute la Samarie, puis le désert de Juda, pour enfin arriver chez Elisabeth.
Et là, il se passe quelque chose qu’elle n’avait pas prévu. Aussitôt arrivée, alors qu’elle saluait Elisabeth, elle voit que sa cousine est troublée, tellement troublée qu’elle se met à crier : « Mais c’est fou ce qui m’arrive. Au moment où tu m’as salué, mon bébé a bondi en moi, et j’ai senti que c’était une joie immense qui l’habitait ! » C’est à ce moment-là que Marie a pris conscience de cette chose inouïe : elle était devenue comme un « tabernacle de Dieu » comme le chantait François d’Assise. Jusqu’ici, elle savait confusément que celui à qui elle devait donner naissance, c’était le « fils du très haut », « un fils de Dieu » comme l’ange l’avait appelé ; et voilà qu’aujourd’hui, elle découvrait en elle cette présence, très concrètement, dans sa chair. Elle se découvrait habitée par cette présence mystérieuse qui la dépassait complétement et qui a fait s’exclamer à sa cousine : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur »
Oui, heureuse est-elle d’avoir cru… et, dès maintenant, ce qui lui arrive dépasse complétement son entendement. Elle se découvre comme cette « arche d’alliance » qui accompagnait le peuple de Dieu dans sa traversée du désert. Son corps était comme ce coffre dans lequel avait été mises la tables de la loi dictées par Dieu, ces paroles données à son peuple par Dieu et qui rendaient sa présence très concrètes. Et là, en Marie, c’était le Verbe de Dieu, sa Parole qui lentement prenait chair en elle, et qui commençait à manifester sa présence à travers elle, à travers ce geste de fraternité qu’elle était en train de vivre !
Quel mystère nous révèle ces quelques lignes d’évangile !
Et je me suis demandé si ce n’était pas le même mystère qui nous habitait chaque dimanche. Nous venons écouter la Parole et refaire ce geste mystérieux que Jésus nous a demandé de faire en mémoire de Lui avec le pain et le vin… présence mystérieuse de Dieu qui se livre à nous dans le pain. Et quand nous repartons, ne sommes-nous pas, nous aussi, cette arche d’alliance qu’est devenu notre propre corps car il est habité par le Verbe de vie. Notre corps devient alors comme ce coffre qui emporte dans le monde des hommes cette présence mystérieuse d’un Dieu qui cherche à rejoindre chaque être humain à travers nos gestes tout simples de rencontre et de fraternité. Mais cela ne peut se faire que si nous croyons à l’accomplissement des paroles qui nous ont été dites au cours de la Messe de la part du Seigneur !
Tel est le mystère dans lequel nous emmène Marie aujourd’hui !
Père Guy de Lachaux