Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 1er dimanche de Carême 2021
Prendre soin de notre maison commune
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Version audio :
Jésus, après avoir passé quarante jours au désert, au cours desquels il a été tenté par le diable, ne trouve qu’une seule chose à dire : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » … C’est d’ailleurs ce que nous avons entendu en recevant les Cendres mercredi dernier.
Mais savons-nous ce que ça veut dire ? Cela veut dire que si on veut recevoir la Bonne Nouvelle de Dieu, il va falloir faire un sacré travail sur nous-même, retourner complétement notre mentalité, nos manières de penser, nos habitudes de vie, changer de regard sur nous-même et sur le monde. C’est ce que veut dire ce mot convertir.
Voilà donc ce qui ressort de ces 40 jours que Jésus a passé en relation avec son Père. Il a mesuré la distance que nous avons, nous les hommes, à parcourir, et donc lui aussi dans son humanité… et il en a même été un peu effrayé. C’est ce que nous montre la phrase qui précède ces quelques mots : « L e règne de Dieu est tout proche » et, sous-entendu : « et vous ne le voyez pas. Vous allez le chercher très loin alors qu’il est là, tout près. Mais vous êtes comme aveuglés, comme sourds… et cela vous paralyse ».
Alors, vous allez me dire : Mais qu’est-ce que tu cherches en nous disant cela ? Tu veux nous faire peur… Certainement pas. Mais il faut bien accepter un jour de voir la réalité en face pour pouvoir avancer.
Regardez !
On nous dit depuis des décennies : Attention réchauffement climatique ! Est-ce que ça change quelque chose dans notre manière de vivre : Rien ! Et pourtant, il va falloir apprendre à habiter notre « maison commune » autrement. Mais on continue comme si de rien n’était. On continue à consommer, à dépenser de plus en plus d’énergie. On n’est pas content si quelque chose est changé dans notre vie de tous les jours. Il nous faut des vaccins dans les huit jours. On ne peut plus se passer de notre iPhone et pas question d’accepter quelque baisse de notre niveau de vie que ce soit !
Alors, loin de moi l’idée de refuser le progrès. Au contraire. C’est la grandeur de l’homme et cela répond au désir même de Dieu exprimé dans la Genèse en créant l’homme : « Soyez féconds, remplissez la terre, dominez-la… »
Mais il y a des façons très diverses de répondre à cette bénédiction. « Dominer » cela ne veut pas dire faire ce que l’on veut. Sommes-nous capables de répondre à cette mission sans détruire la terre ? Car aujourd’hui, notre domination détruit et est même quelquefois un véritable pillage. Savons-nous qu’en 2020 l’humanité a dépensé l’ensemble des ressources que la terre est capable de produire en un an le 22 août. Et après alors ? Après, c’est du pillage, ou de la destruction !
Alors, dans ce cadre, qu’est-ce que ça veut dire : « prendre soin de la maison commune » ?
Cela veut dire sûrement de considérer la création autrement que comme un espace dont on peut disposer à sa guise.
La création, c’est ce lieu que le Pape François, dans son encyclique Laudato si, appelle « notre maison commune », c’est-à-dire ce lieu où les êtres humains sont tous en lien les uns avec les autres, dans la même maison, et où ce que chacun fait a une influence sur l’autre !
Mais cela va encore plus loin.
La création, c’est d’abord l’affaire de Dieu ! Le premier texte que nous avons lu aujourd’hui, tiré de la Genèse, nous dit que c’est son grand projet, ce projet pour lequel il « fait alliance » avec nous pour qu’avec Lui nous n fassions de ce monde un univers habitable où l’homme puisse trouver le véritable sens de sa vie.
Cette alliance a été maintes fois renouvelée au cours de l’histoire, en partant de Noé… jusqu’à Jésus.
Cette alliance dit l’importance pour l’homme de ne pas se croire le maître de tout, le tout puissant, mais de tenir sa place dans cette création, comme le gérant de biens qui lui ont été confiés.
C’est cela, pour nous chrétiens, le fondement de ce « prendre soin de la maison commune ».
Nous sommes certainement acculés aujourd’hui, au pied du mur… car nous savons que si nous continuons sur le registre actuel, nous allons arriver à des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, à d’énormes déplacements de populations, à une augmentation de la pauvreté… et donc de nos égoïsmes. Ce n’est certainement pas cela le plan de Dieu… Au contraire !
Le plan de Dieu, c’est que l’homme devienne un homme et non un loup dévorant.
Le plan de Dieu, c’est que chacun dans sa vie commence ce travail de conversion… certains l’appelle conversion écologique…, mais en fait, c’est beaucoup plus que cela, car c’est une conversion de l’homme dans son être profond. C’est une sortie de cet univers où on est poussé à consommer toujours plus pour remplir notre vide intérieur, alors qu’il n’y a qu’une seule chose qui peut remplir ce vide, c’est l’amour fraternel… et cet amour fraternel a une source : elle est en Dieu !
Et nous ne vivrons cette conversion que si nous acceptons dès maintenant de mettre la main à la pâte…pas demain, mais dès maintenant. Si nous acceptons de commencer, même petitement à prendre soin de la maison commune… et donc de rentrer dans ce courant d’alliance que le Christ est venu sceller au cœur de l’histoire dans cet acte d’amour ultime du don de sa vie.
Car nous avons cette mission de construire avec l’ensemble de l’humanité une maison habitable… et de lui donner son sens ultime… qui est en Dieu !
Père Guy de Lachaux