Homélie du Père Guy de Lachaux pour le dimanche 21 juin 2020
Le courage de la foi
à partir de l'évangile de Saint Matthieu (10, 26-33)
L'homélie est disponible en versions audio et texte...
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« Ne craignez pas » … « Soyez donc sans crainte » ! Cette recommandation est répétée plus de quatre fois en quelques lignes.
C’est vrai que, dans notre vie de tous les jours, le nombre de fois où nous exprimons une peur est impressionnant … et c’est encore plus vrai en ce moment où nous vivons cette peur face à l’invisible virus … où nous passons notre temps à nous méfier de l’autre, des objets, des poignées de porte … et cela nous paralyse, nous empêche de vivre, d’entreprendre, de rencontrer, de nous réunir, etc.
Mais ici, dans ce passage d’évangile, c’est bien plus que la crainte quotidienne pour les petites choses, ce sont carrément des menaces de mort de la part d’autres personnes. Ce sont des persécutions, comme Saul partant pour Antioche pour ramener captifs les chrétiens…
Et Jésus leur dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, sans pouvoir tuer l’âme » - Il s’agit en effet d’affirmer à haute voix au risque de sa vie, ou de renier, de cacher, et d’avoir la vie sauve !
Et donc le grand message de cet évangile, c’est d’avoir le courage de la foi. Qu’est-ce qu’avoir le courage de la foi ? Cela recouvre quatre directions.
La première est toute simple. C’est le courage de se situer ouvertement comme chrétien. Petit à petit, nous nous sommes cachés … et on peut dire qu’aujourd’hui la foi a disparu de la vie sociale quotidienne. Jamais on ne cite une parole de Jésus ; on veut même taire ce qui fait les grandes fêtes des chrétiens : Noël est devenu la fête du Père Noël, ou au mieux de la famille, et on interdit même dans les lieux publics de parler de Noël comme la naissance de Jésus. Mais pourquoi un tel silence ? Parce que les chrétiens se taisent. Et voilà que Jésus nous invite au courage de la foi, c’est-à-dire d’oser être soi-même dans la vie sociale… non pour faire du prosélytisme, mais simplement pour être soi-même, malgré l’indifférence ou l’hostilité.
La deuxième direction pour vivre ce courage de la foi auquel nous invite le Christ est le courage de s’engager au nom de sa foi.
Le courage de s’engager dans la société d’abord. Alors, on pense spontanément à des œuvres de charité … venir en aide aux plus pauvres, nous tourner vers ceux qui en ont besoin. Mais en fait cela recouvre bien autre chose. Y en a-t-il ici qui connaissent la doctrine sociale de l’Eglise ? Si le Christ est venu, c’est pour sauver l’homme dans toutes les dimensions de sa vie : sa vie sociale, sa façon de partager les biens, sa manière de transformer et d’organiser la matière, sa façon de considérer l’homme… Voilà cinq ans que le Pape François a lancé un cri à travers son encyclique Laudato Si. L’avons-nous simplement lue ? et étudiée ? car il y a beaucoup de choses dans ce texte qui traitent de ces questions-là.
Au nom du Christ et du salut des hommes, nous avons à nous engager dans notre manière d’habiter le monde. C’est cela aussi le courage de la foi.
La troisième direction pour vivre ce courage de la foi réside dans ce travail intérieur pour accorder nos actes à nos convictions. Jésus a combattu avec une extrême violence les pharisiens qui, comme il le dénonçait, « disent et ne font pas ». Il les a traités de « sépulcres blanchis » car leur intérieur ne correspondait pas aux convictions qu’ils affichaient aux yeux de tous.
Avoir le courage de la foi, c’est s’engager sur ce chemin de conversion qui consiste à, petit à petit, accorder nos actes à la foi que nous professons. Et il y faut du courage pour continuer sur ce chemin.
Sinon, on ressemble à ceux que Jésus désigne quand il dit : « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père » … et un peu plus loin : « Tout homme qui entend les paroles que je dis et les met en pratique peut être comparé à un homme avisé qui bâtit sa maison sur le roc ». Jésus dit souvent : « Fais cela et tu vivras ». Le christianisme est d’abord une pratique. Le courage de la foi consiste à ne pas en rester à de bonnes pensées.
Et enfin, la dernière direction pour vivre ce courage de la foi, c’est d’arrêter de projeter sur Dieu nos désirs … et d’en faire un reflet de ce que nous pensons qu’il doit être.
C’est en fait ce qui s’est passé tout au long de l’histoire du peuple de Dieu où ils ont fait de Dieu tantôt un guerrier, ou bien un Dieu vengeur, ou encore un Dieu bonnace ou un Dieu intolérant…
C’est aussi ce que nous en faisons dans notre propre histoire… Or Dieu est Dieu, et nous, nous ne faisons que l’approcher maladroitement. Le courage de la foi, c’est d’accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas être soi-même la norme de ce qu’il faut penser ! Le courage de la foi, c’est d’oser partir, et repartir, et repartir encore à la découverte de Dieu qui se situera toujours au-delà de nos compréhensions…
Et pour soutenir notre courage, il nous promet une présence, celle de l’Esprit, qu’il appelle le Défenseur.
Dans cette page d’évangile, par deux fois il nous dit sa présence à nos côtés et son soutien indéfectible :
Nous valons beaucoup plus que tous les moineaux dont pas un seul ne tombe à terre sans l’assentiment du Père
Nos cheveux sont tous comptés, c’est-à-dire que sa sollicitude concerne aussi les petites choses de la vie.
C’est donc en toute confiance qu’il nous invite à affronter ces situations difficiles. « Ne craignez pas ! »
Père Guy de Lachaux