Mettons-nous aujourd’hui, avec les douze, aux côtés de Jésus.
Il vient de nous dire qu’il va partir… pour aller vers son Père… ; une drôle de façon de parler de sa mort, surtout dans ce moment pathétique où il ne peut plus se déplacer en plein jour de peur de se faire arrêter. Et en plus, il vient de faire un geste incompréhensible : il a mis un tablier et nous a lavé les pieds… Et il nous a dit que c’était par des gestes semblables que nous serions vraiment ses disciples.
Et ensuite, il s’est mis à prier devant nous, sans aucune retenue, avec une simplicité et une profondeur qui nous a laissés interdits. Il priait son Père.
Et il disait : « Père, l’heure est venue ».
C’était donc bien pour cette heure-là qu’il était venu, c’est-à-dire pour l’heure où tout se noue et se dénoue… c’est l’heure du don total.
Et bizarrement, en pensant à cette heure-là, il parle de gloire : ce n’est pourtant pas la gloire d’être acculé à cette mort infâme ! C’est l’heure de la grande épreuve. Et pourtant il dit à son Père : « Glorifie ton fils afin que le fils te glorifie » Qu’est-ce qu’il veut dire ? Le mot glorifier ne veut pas dire « porter aux nues » comme le voudrait notre langue française, mais « lui donner son vrai visage ». D’habitude on donne à Dieu le visage de la toute-puissance, de la transcendance, de l’être immuable, et voilà qu’à partir de maintenant, il va être vu comme vulnérable, en pleine mêlée, et capable d’amour jusqu’à en mourir. Enfin, en Lui, et par Lui son Père aussi, les hommes vont pouvoir reconnaître que Dieu n’est pas le potentat dur, le justicier sans cœur, réglant tous les problèmes du haut de sa grandeur, mais qu’il est un frère et un Père, passionné par ses enfants jusqu’à se risquer Lui-même dans son intégrité pour eux. Alors, quand à la messe nous chantons « Gloire à Dieu », c’est cela que nous exprimons : « Nous sommes dans la joie de pouvoir vraiment te connaître, non pas sous ce visage construit par la main d’homme, mais sous Celui que tu nous révèles, toi qui est de notre côté et qui est tellement passionné par nous que tu es prêt à prendre tous les risques. »
Et Jésus continue : « Ainsi, je donnerai la vie éternelle à tous ceux que tu m’as donné » Et là aussi, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser, en entendant ce mot « vie éternelle », à la vie après la mort, celle qui ne finit pas… Alors, il prend bien soin de préciser dans sa prière que « la vie éternelle, c’est de Te connaître, Toi le seul vrai Dieu, et Celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ ». Alors, ça change tout. La vie éternelle, c’est donc maintenant, c’est la vie d’aujourd’hui habitée par la connaissance du Père… et par cette naissance du Christ en nous. Notre vie ne cesse de pouvoir ainsi devenir vie éternelle !
Car, et cela ne cessera jamais de nous étonner, le plus grand désir du Christ, c’est que notre vie quotidienne prenne dimension de vie éternelle, c’est-à-dire de vie divine. C’est ce qui a fait dire à Saint Irénée : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ! » C’est à cette dimension là qu’il nous désire.
Et il termine sa prière en nous confiant à son Père, nous, ses disciples, tout particulièrement. Car, dit-il, « je suis glorifié en eux ». C’est donc cela notre mission : de dévoiler le vrai visage du Christ à travers nos paroles et nos actes, nos engagements et notre façon d’habiter le monde, nos combats pour la justice et la liberté et notre façon de gérer les biens de ce monde…
Quelle mission !
Mais heureusement, il nous a promis d’envoyer l’Esprit !