Prière mémorielle 2025 pour les victimes d'abus à Bures
En réponse à l’appel des évêques de France, un temps de prière pour les personnes victimes de violences sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église, a été organisé sur notre secteur entre les 3ème et 4ème dimanche de carême. Nous étions ainsi invités le dimanche 23 mars à 18h à l’église Saint-Matthieu de Bures-sur-Yvette, pour mettre les victimes au centre de notre prière...
La veillée a démarré en donnant la parole à Brigitte Navail, membre du collectif de victimes "Foi et résilience", qui a partagé le sens et l’importance de cette prière mémorielle dans cette courte vidéo de 3 mn : https://www.ktotv.com/video/00427438/journee-memorielle-pour-les-victimes-dabus-2-4
Puis nous avons écouté 4 témoignages, chacun suivi par un chant, un texte biblique, une courte méditation et une prière. Pour chacun des témoignages, les mots forts ont été collés sur un panneau afin de manifester encore la souffrance des personnes victimes.
Chacun individuellement nous pouvons nous sentir impuissants devant les horreurs faites aux victimes. Ouvrir notre cœur, accueillir les témoignages, faire mémoire, et prier à la fois individuellement et collectivement sont des étapes indispensables pour prévenir et agir afin que l’Eglise devienne une « maison sûre ».
Voici les témoignages qui ont été lus :
Un vol d’enfance
Ma toute première fois, c’était quand j’avais 5 ans, tu intervenais dans l’école pour nous apprendre les vraies valeurs de la vie.
J’y suis restée de 1958 à 1965. J’y allais pour apprendre à lire, à écrire et pour avoir accès à la connaissance, pas pour baiser.
J’avais 5 ans et tu en avais 50.
Tu m’as tout pris.
Tu as volé ma vie.
Tu m’as détruite.
Tu as détruit ma vie la première fois que tu m’as violée.
Je suis devenue étrangère à moi-même pour pouvoir survire sans affect, sans émotion. Je suis une morte vivante pour la vie.
À 66 ans, je suis tellement vide que j’ai du mal à trouver les mots pour me révolter contre toi.
Victimes indirectes
Toute sa vie durant, mon père a cherché à être entendu et reconnu pour la souffrance qu’il connut enfant. Je n’ai jamais connu mon père autrement que dépressif.
Quand j’étais enfant, il me paraissait étrange, très dépendant émotionnellement parlant et socialement assez inadapté. Habitué à laisser faire les personnes en position d’autorité et sachant que de toute façon personne ne l’avait défendu jusque- là, mon père n’a jamais su se faire respecter face aux abus de pouvoir. Il souffrait alors d’une grande dépression qu’il soignait tant bien que mal par l’alcool. Cet état de frustration et de répression le poussa à une conduite violente envers moi alors que j’étais adolescente. Toute ma jeunesse, j’ai entendu la mère de mon père et ses sœurs lui dire qu’il devait pardonner et à quel point « c’est difficile d’être prêtre ». Sa famille n’a pas voulu l’entendre et la prière et le pardon forcé semblaient la seule réponse au problème. (…)
Je suis convaincue que si l’Église avait réagi différemment, en s’engageant pour la reconnaissance active de la souffrance de mon père comme elle le fait aujourd’hui pour toutes les victimes des abus sexuels, mon père se serait repris en main et aujourd’hui il pourrait peut-être encore marcher et parler.
Odeurs omniprésentes
Il faut que l’Église se rende compte que tous ces actes, ça brise quelqu’un. Moi, j’ai eu la chance d’avoir la musique, les mots pour me sauver et les scouts. Mais, combien n’arrivent pas à se sortir de ces traquenards, de ces embuscades, de ces stratagèmes, de ces manipulations ? Parce que quand j’ai entendu certains qui disaient « C’était un moment », non, ce n’est pas un moment, c’est un moment qui reste, qui percute tout le temps. Et, quand, avant que ça ressorte, j’avais du mal à aller dans les magasins, je sentais des hommes qui ne sentaient pas bon, j’avais ces odeurs qui faisaient remonter des odeurs.
Sans savoir que ça avait été ça avant, je ne supportais pas ça, je disais « Je vais changer de rayon dans le magasin », même maintenant, quand je sens ces odeurs-là ça me fait revenir des trucs. C’est très sensuel, c’est très sensible. Les sons, les odeurs. (…) C’est pour ça que je suis là aujourd’hui, c’est pour qu’on sache qu’on peut briser quelqu’un facilement, il suffit d’un geste déplacé, même quand vous avez une parole de douceur envers les enfants.
Comme une huître
Aujourd’hui, même si c’est tard, tant pis, je trouve que c’est très bien que l’on commence à écouter les gens. Parce que quand vous ne pouvez pas vous exprimer, quand on ne veut pas vous croire, vous vous renfermez, vous êtes comme une huître. Vous essayez de faire ce que vous pouvez, avec ce que vous avez. Je trouve aussi très bien que l’on ait augmenté le délai de prescription. J’aurais pu porter plainte, parce que le délai de prescription était encore de vingt ans à compter de la majorité. Mais à trente-huit ans, je n’étais pas prêt. J’avais honte.