Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 2ème dimanche de Carême 2022
sur l'Evangile selon saint Luc 9, 28b-36 : la Transfiguration
Cet événement de la transfiguration arrive alors que Pierre, Jean et Jacques sont déjà depuis deux ans avec Jésus...
Ils étaient là tous les trois quand Jésus les a appelés à devenir des pêcheurs d’hommes…
Ils étaient là quand on a descendu le paralysé par le toit…
Ils étaient là aussi quand Jésus leur a dit ces paroles si fortes sur l’amour des ennemis, sur les chemins du bonheur, et sur la maison que l’on peut construire sur le roc ou sur le sable…
Ils ont vécu la résurrection du fils de la veuve de Naïm, et se sont exclamés avec tous ceux qui étaient là : « C’est vraiment un grand prophète qui s’est levé parmi nous »…
Ils ont eu la grande peur de leur vie quand la tempête s’est levée sur le lac de Tibériade, mais sont restés interdits quand Jésus a calmé le vent. Et ils se sont posé la question : « Mais qui est cet homme ? »…
Ils étaient là encore tous les trois quand Jésus a fait revenir à la vie la fille du chef de synagogue, Jaïre…
Ils ont encore été envoyés, avec les 9 autres, en mission pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume dans les villages de Galilée…
Ils étaient auprès de Pierre quand ce dernier a osé dire ce qu’ils pensaient tous : « Tu es le Christ de Dieu »
Et c’est après tout cela que ces trois apôtres, Pierre, Jean et Jacques, se sont retrouvés sur la montagne avec Jésus pour prier.
Car c’est tout ce chemin qu’ils ont parcouru avec Jésus jusqu’à ce jour qui leur ont fait entrevoir le vrai visage de Jésus. Il a fallu qu’ils entendent son appel à le suivre à travers cette pêche étonnante. Il a fallu qu’ils entendent Jésus pardonner les péchés au paralytique. Il a fallu qu’ils digèrent ces paroles si fortes de Jésus qui interprètent la loi d’une toute autre façon. Il a fallu qu’ils voient le fils de la veuve se relever. Il a fallu qu’ils vivent cet événement de la tempête que Jésus leur a proposé d’affronter avec foi. Il a fallu qu’ils voient de leurs yeux la fille de Jaïre se relever. Il a fallu qu’ils partent sur les routes annoncer ce qu’ils voyaient. Il a fallu enfin qu’ils osent prononcer ces paroles : « Tu es le Christ de Dieu ». Il a fallu tout cela pour qu’en ce jour, sur la montagne, ils voient Jésus avec un regard dévoilé, comme si des lunettes noires leur étaient tombées des yeux. Ils voyaient son visage devenu tout autre et ses vêtements d’une blancheur éblouissante. Mais ils virent aussi, près de Lui, Moïse et Elie, ces deux personnages emblématiques de l’initiative d’un Dieu qui libère de l’esclavage et qui noue une alliance avec les hommes. Et ils entendirent cette phrase venant de la nuée : « Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ! »
Et voilà que se dévoile à eux le mystère de cet homme. Ils le voient sous son vrai visage. Mais c’est comme un éclair… car il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. En effet il leur a annoncé qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite au troisième jour… Mais, nous dit l’évangile, ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait !
Ce chemin qu’ont parcouru Pierre, Jean et Jacques, et qui les a amenés à voir Jésus sous un autre visage, c’est ce même chemin que nous sommes nous-mêmes invités à parcourir dans notre découverte de Jésus. Car nous l’accueillons avec nos lunettes qui déforment ses paroles, ses gestes, son visage… Et il nous faut un long temps, et beaucoup de découvertes avant de l’accueillir sous son vrai visage.
C’est aussi ce même chemin que nous sommes invités à parcourir dans nos rencontres humaines du quotidien. C’est en effet un travail de tous les instants. Nous sommes avec nos proches comme le petit prince et le renard : « Apprivoise-moi ! » Et de s’approcher lentement l’un de l’autre. Car se montrer tel que l’on est, c’est dévoiler son mystère et c’est donc se rendre vulnérable… Il faut donc le temps pour arrêter de se regarder avec nos lunettes noires faites de préjugés, de peurs, de questions… et pour chausser les lunettes de l’accueil inconditionnel, d’ouverture à la différence (cf. le texte du Pape François, Fratelli Tutti no 147, sur la fiche de ce dimanche).
C’est pourquoi la rencontre est un long chemin jamais terminé, une approche où chacun ose dévoiler son visage secret. Et c’est dans cette rencontre du frère que je peux entrevoir l’infini de Dieu. Car voir le vrai visage de quelqu’un, c’est rentrer dans son mystère qui n’est autre que le mystère même de Dieu.
Père Guy de Lachaux
Crédit Photo : peinture de Bernadette Lopez, consulter les sites www.evangile-et-peinture.org et www.bernalopez.org