Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 2ème dimanche de l'Avent 2021
La fraternité dans toute la création
Voilà qu’aujourd’hui, Saint Luc nous fait la présentation du monde dans lequel la Parole de Dieu est adressée à Jean Baptiste. Ce n’est pas un monde « bisounours » ...
Regardez les personnages : Pilate, Hérode, les grand prêtres Anne et Caïphe pour n’en citer que quelques-uns : ce sont les acteurs du procès et de la condamnation de Jésus ! C’est dans ce monde-là que le projet de Dieu de sauver l’humanité se met en route. C’est dans cette histoire-là que Dieu vient prendre place pour faire de ce monde de brutes un monde de frères ! C’est donc bien dans notre monde aujourd’hui, tel qu’il est, que Dieu nous invite à recevoir sa Parole.
L’évangile nous dit que, pour inaugurer la venue de Jésus, la Parole de Dieu a été adressée à Jean. Celui-ci se met à parcourir « toute la région du Jourdain » ; il déplace un grand nombre de personnes qui viennent écouter sa parole et posent un geste : un baptême de conversion : il les plonge pour cela dans le Jourdain et leur enjoint de changer leur vie.
Aujourd’hui, plutôt que de nous arrêter sur cet événement, nous allons regarder de plus près la parole d’Isaïe que cela suggère à Luc. Il s’agit d’une annonce qu’Isaïe fait au peuple en exil à Babylone : Dieu va vous ouvrir un chemin à travers le désert pour revenir au pays. C’est ce qui va se passer aussi avec Celui que Jean Baptiste annonce.
Ce qui m’a accroché, c’est la dernière phrase : « et tout être verra le salut de Dieu » !
Il faut d’abord se poser la question de savoir ce que c’est que le « salut de Dieu ».
C’est un monde réconcilié :
où l’homme est réconcilié avec ses semblables
où l’homme est réconcilié avec lui-même
où l’homme est réconcilié avec la création
où l’homme est réconcilié avec Dieu.
C’est donc bien d’une réconciliation universelle qu’il s’agit.
Mais pour qui ? … pour tout être vivant !
C’est-à-dire pas seulement les membres du peuple de Dieu, pas seulement les croyants, pas seulement les humains… C’est « tout être vivant », c’est-à-dire les animaux, mais aussi l’ensemble de la création. Car l’homme n’est pas au-dessus du monde créé, il en fait partie ! Et c’est pourquoi, au soir de sa vie, Saint François est allé jusqu’à louer Dieu dans sa création, comme nous l’avons chanté au début de notre célébration, avec cette certitude que nous sommes faits pour une fraternité universelle, et même cosmique, car elle doit comprendre toute la création de Dieu.
Eloi Leclerc, dans son petit livre « St François d’Assise, l’homme fraternel », nous en donne le sens profond : « François, redressé sur sa couche, alors qu’il est quasiment aveugle, chantait le Cantique du soleil… Sa louange englobait toute la création : sœur lune et les étoiles, frère vent et sœur eau, frère feu et sœur notre mère la terre. C’était un chant d’émerveillement devant l’œuvre de Dieu ; c’était aussi et surtout le chant de la fraternité universelle. Le chant de la réconciliation de l’homme avec toutes choses et avec lui-même. Le chant de l’homme pacifié et fraternel, en qui les forces bouillonnantes de la vie ont retrouvé la transparence des sources et l’éclat de la lumière. Le chant de la nouvelle création, au cœur même de l’homme »
On ne peut qu’être pris de vertige face à cette dimension d’une fraternité vraie… car pour être vraie, elle doit englober tout le créé. C’est d’ailleurs ce que le Pape François cherche à nous dire depuis des années - Laudato si, Fratelli tutti - nous incitant à changer notre regard pour reconnaître le salut de Dieu en toutes créatures et en toute création, dans une fraternité cosmique et universelle !
Père Guy de Lachaux