Une visite à Notre-Dame de Paris, c’est une rencontre, avec ses visiteurs, entre les visiteurs, avec la cathédrale, une autre rencontre aussi, peut-être.
Guide depuis un an à la cathédrale, je suis en pensée avec tous les visiteurs qui m’ont redéployé la joie reçue ...
Les beautés qu’ils ont découvertes leur reviennent sûrement à l’esprit, en entendant parler des différentes parties de Notre-Dame.
Je me souviens de ces gens qui terminaient la visite en discutant, sans se connaître deux heures plus tôt. Je me souviens de ces jeunes élèves qui répondaient à toutes mes questions. Je me souviens de cet enfant, si content d’être allé sur le lieu du sacre de Napoléon, je me souviens de ces débats à propos de la couronne d’épines. Je me souviens de ces visiteurs blessés dans leur corps ou dans leur cœur. Je me souviens de cette jeune qui jouait avec la symbolique du rond et du carré, comme sur la façade de Notre Dame, en dressant assiettes et serviettes sur la table d’anniversaire. Je me souviens de ceux qui scrutaient les vitraux du 13 e siècle à la jumelle et de ceux qui voulaient encore prolonger la visite. Je me souviens de ceux qui rendaient hommage aux vitraux du 20 e siècle.
Je me souviens des guides de notre association, venus de pays bien difficiles: la Chine, l’Irak, la Corée, la Syrie. Je me souviens qu’on peut être guide depuis 40 ans sans s’essouffler.
Je me demandais souvent : «qui suis-je pour disposer d’un tel trésor ?» Et en fin de compte, je laissais toujours à Dieu, la maitrise d’œuvre de chaque visite.
En tant que guide bénévole à disposition de tous, je respectais les convictions de chacun sans faire ombrage des miennes. D’ailleurs, je crois qu’elles transpiraient toujours devant les scènes de la vie de Marie et les scènes de l’apparition du Ressuscité, sur la clôture du chœur.
Je suis allée voir Notre-Dame après l’incendie et malgré ça, mon esprit n'arrive pas à connecter l'idée de cathédrale et l’idée de ruine. Je me sens décapée. Toutes les lumières engrangées avant la destruction m’aident à tenir.
Marie nous rejoint tant de fois à Notre-Dame de Paris, tantôt en majesté, tantôt joyeuse, tantôt troublée, tantôt ancillaire, tantôt douloureuse, toujours enracinée, et finalement, reçue par son Fils avec la couronne de justice.
Aujourd’hui, c’est la Pietà du chœur qui nous rejoint, Vierge qui tient son enfant mort, tout juste descendu de la croix. Je ne veux pas me consoler trop vite avec des mots comme «espérance» ou «reconstruire». Il faut prendre le temps de traverser l’épreuve, quand on a tant reçu sous les voutes séculaires. Est-ce que Marie vient nous parler de la Résurrection, tandis qu’elle tient son enfant outragé sur ses genoux ?
Merci à chacun d’entre vous, qui m’avez rencontréeà Notre-Dame de Paris. Merci à ceux qui ont aimé la cathédrale avant nous et qui nous l’ont transmise.
La cathédrale va nous manquer terriblement, à nous, les guides ainsi qu’à la «famille cathédrale», qui veillait sur elle, sur les visiteurs et sur les pèlerins.
Agnès Cheymol Lagier, paroisse de Bures et guide CASA (Communauté d’Accueil sur les Sites Artistiques)