Prière mémorielle pour les victimes d'abus
En réponse à l'appel des évêques de France, tous les paroissiens du secteur étaient invités ce vendredi 1er mars à une soirée mémorielle de prière pour les personnes victimes de violences sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église...
« Il ne suffit pas de demander pardon », nous dit le pape François. « C’est nécessaire et important ! Mais il faut mettre les victimes au centre pour réparer, prévenir, empêcher la répétition. Il ne faut pas cacher la tragédie des abus. Il faut offrir un espace sûr pour accueillir les victimes et leur apporter une réponse concrète à leur douleur et leurs souffrances. »
Pendant cette heure de prière, nous avons écouté des témoignages de victimes. Par le chant, l’écoute de la Parole, la méditation, nous avons accueilli la vérité et prié pour les victimes. Nous avons prié aussi pour que l’Esprit Saint nous conduise par le juste chemin afin d’ouvrir des voies de réparation pour nos frères et sœurs victimes d’abus, et que l’Église devienne une « maison sûre ».
Voici les 4 témoignages qui ont été lus :
Délivrance
Je ne sais pas si j’appartiens
À l’oubli ou bien à la haine
Mais à chaque heure du quotidien
Mon encre sous le papier saigne.
Comme un vieux livre abandonné
Ma bouche demeure sans mot
J’aimerais pouvoir sectionner
La gangue qui couvre mes maux.
Les épines que dans mon cœur
Je garde, inondent mon esprit.
Il est loin où enfant de chœur
De destinée, j’étais épris.
Sous perfusion émotionnelle
Comme un temps volé à la vie
Je transporte sous mes semelles
L’affliction qui m’asservit.
Cette indicible solitude
Je veux à tout prix m’en défaire
Pour retrouver la quiétude
À tout jamais quitter l’enfer.
C’est pourquoi je livre les mots
Des viols subis dans mon enfance
Je les gueule fortissimo
Pour retrouver l’indépendance.
J’ose aux feux de la parole
Briser les miroirs trop polis
De tous ces religieux idoles
Qui abusent d’enfants salis.
La tentation d’en finir
À la première difficulté, le suicide devient une option, car vous repensez aux viols subis lors de votre enfance. Votre vie est terrible à cause de ce qu’il s’est passé. C’est un poids terrible que l’on ne peut mesurer.
Que faire de la haine ?
Mon abuseur m’avait demandé pardon par l’intermédiaire de l’évêque.
Et puis l’évêque avait dit pardon de la part de l’Église. (…)
Sur ce, l’évêque m’a dit qu’il était en maison de retraite. (…)
Et puis dernièrement, croyant que ça allait me faire avancer, m’aider à avancer un peu plus, j’ai demandé s’il pouvait faire passer un courrier au curé, lui disant que j’acceptais son pardon, parce que je ne suis pas du genre méchant. Finalement, ça ne marche pas. J’ai toujours de la haine. J’ai beaucoup de haine. Haïr quand même ce n’est pas interdit. C’est humain. De ressentir de la haine, quand on a été blessé, c’est complètement normal. Ce qui est embêtant, c’est quand la haine prend toute la place
Survivant
À 66 ans, j’atteste enfin des agressions subies et de leurs conséquences.
De janvier à septembre 2020, je suis en travail mensuel avec un psychiatre. Notre travail débouche au mois de mars sur deux changements d’attitude décisifs :
- Je parle : après un demi-siècle de mutisme acharné (hormis mes psy…s et ma compagne), je peux enfin dire mon enfance et cette histoire à mes filles. Elles qui s’étonnaient ou s’inquiétaient de ce pan caché de leur origine, mais n’osaient pas m’en parler.
- Je reconnais mon état de victime : non, ce n’est pas moi le coupable ! Alors qu’une certaine fierté mal placée, encouragée par certains proches, m’en avait empêché jusque-là : « Arrête de jouer à la victime, tu n’es quand même pas malheureux ! »
Notre travail arrive à terme au mois de septembre et le docteur formule les conclusions suivantes :
- « Oui, vous avez bien vécu ce traumatisme d’agressions sexuelles répétées, vous en avez bien été la victime, ce qui a débouché sur votre tentative de suicide. » Ce que je traduis ainsi : vous avez bien été tué, vous êtes bien mort!
- « … mais vous êtes bien là aujourd’hui, bienveillant et soutenant, et je ne vois pas chez vous de troubles du comportement. » Ce que je traduis ainsi : vous êtes aujourd’hui bien vivant en capacité de dire et de porter votre vie !
Je suis donc bien un survivant