Interview du Père Julien Bukonod
Bonjour mon Père, peut-être pour les lecteurs du journal vous pouvez retracer un petit peu brièvement votre parcours de prêtre, ou même d'ailleurs partir du début : où est-ce que vous êtes né, et quel est le parcours qui vous mène jusqu'à la paroisse de Bures aujourd'hui ?
Avec grand plaisir : je suis Julien Bukonod, originaire du Congo Brazzaville, je suis né à Pointe-Noire.
Après les études secondaires je me suis intéressé à la vie religieuse, une vocation était en moi et grandissait petit à petit, et jusqu'à ce que j'aie eu mon bac en 2002.
J'ai essayé d'attendre encore un petit peu pour pouvoir bien me décider : fallait-il continuer le parcours universitaire et puis trouver un emploi, donc faire un parcours professionnel, ou bien suivre le désir qui était en moi de devenir prêtre ?
Il m'a fallu un an pour cela, pour discerner, et c'est finalement après cette année de réflexion que je me suis engagé radicalement vers la vie religieuse.
Et là les Capucins qui sont un ordre religieux, une branche de la grande famille franciscaine, ces Capucins venaient de débarquer chez moi à Pointe-Noire.
Ils venaient de la RDC, la République Démocratique du Congo et on leur avait confié comme paroisse Saint François d'Assise qui est ma paroisse d'origine.
Du coup quand ils sont arrivés, moi qui avais cette ambition de devenir religieux je me suis dit au lieu d'aller loin, pourquoi ne pas tenter avec ceux qui sont avec moi sur place. Ainsi je me suis fait Capucin, donc j'ai fait ma demande et ils m’ont accueilli. J’ai été observé pendant un an sur place dans la paroisse, je faisais quelques petits travaux, je dirigeais aussi quelques groupes de jeunes…
Après cette année de d'observation de leur part, ils ont pensé que j’étais apte à commencer la formation proprement dite. C'est ainsi qu'ils vont m'envoyer chez eux en RDC.
Donc j’arrive en RDC où je fais le postulat et le noviciat. Je vais émettre mes premiers vœux en 2007, un 17 septembre, dans une région qu'on appelle l'Equateur dans le nord de la république démocratique du Congo.
Après cela je suis envoyé en Afrique du Sud pour commencer mon parcours de philosophat, donc de scholasticat. Je fais un an d’apprentissage de langue anglaise en Afrique du Sud à Prétoria, il y avait là une grande maison de formation internationale où les scholastiques « néo-prophets » capucins étudiaient la philosophie. Etude de la langue anglaise et puis deux ans de Philosophie au grand séminaire Saint-Jean-Marie Vianney de Prétoria. Après ces deux années de philosophat, je suis rentré en république démocratique du Congo, à Kinshasa, où je devais poursuivre ma formation : avant de commencer la théologie, je devais ajouter un an de philosophie pour avoir la licence en philosophie. Ainsi je fais donc cette dernière année de philosophie à l'université Saint-Augustin de Kinshasa et en 2010 je commence la théologie à l'université catholique du Congo à Kinshasa, jusqu'en 2013. D'abord, avant l'an 2013, j’émets mes vœux perpétuels en 2012, et au mois d’Août de cette année 2012 je suis ordonné diacre, le 27 août. En 2013 je suis ordonné prêtre chez moi au Congo-Brazzaville, à Pointe-Noire dans ma paroisse d'origine, précisément un certain 4 août 2013 donc à la saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars et patron des prêtres.
Et là ils ont jugé mieux que je puisse continuer avec le Master en théologie, jusqu’en 2015. Après avoir obtenu ce master en théologie, option dogmatique, moi qui m'intéressais un peu plus aux Pères de l'Eglise, (c’est vrai que dans la théologie dogmatique, il y a plusieurs sous-branches : et la Patristique dans certaines universités peut en être une, même si spontanément on a tendance à la rattacher plutôt à l’Histoire de l’Eglise, mais on peut aussi considérer la patristique comme une science).
Bref donc je vais avoir le Master en théologie dogmatique avec cette orientation patristique. Après cette maîtrise je suis envoyé à Rome pour le 3e cycle. Donc doctorat en patristique : je suis admis à l'institut patristique Saint-Augustin à Rome, avec d'abord une année de propédeutique : apprentissage de langues classiques grec et latin, parce qu’à l'issue de cette année il faut faire un examen pour valider que vous êtes apte à faire ce doctorat en théologie patristique. Ça m'a été favorable, j'ai amorcé une thèse sur Tertullien, un Père de l’Eglise que j'aime tant et que j'admire, sous la direction du professeur Paul Mattei. C’est un travail qui n'est pas encore achevé.
Bravo c'est très impressionnant !
Quand je choisis de faire une pause avec ma thèse, je trouve une mission pastorale en Italie où je fais un an. Près d’un sanctuaire qu’on appelle le Santuario della Madonna del Transito, c'est dans le diocèse de Castello -ce n'était plus à Rome- j'ai été prêtre assistant dans ce sanctuaire spirituel. Après cinq années en Italie, j’ai débarqué en France en septembre 2020.
Vous êtes toujours dans l'ordre des Capucins ?
Oui, avec un processus d’exclaustration. Je suis accueilli à Paris, à la paroisse du Bon Pasteur, près de la Bastille. Je reste juste 3 mois, et puisque j'ai plus ou moins reçu la réponse d'exclaustration il me fallait trouver un diocèse d'insertion et du coup après ces 3 mois je suis allé à Reims chez mon frère, un peu me reposer : mon grand frère vit à Reims, marié, j'ai fait 7 mois là-bas.
Après j'ai pris des contacts avec certains diocèses, je me suis retrouvé à Evry, au mois d'octobre 2021. Et, d’Evry, donc j'ai un peu desservi tous le secteur d’Evry, dans toutes les paroisses environnantes, jusqu'à ce que la nomination sorte il n’y a pas très longtemps : je devrai accompagner la paroisse de Bures.
Donc là ça fait depuis 3 semaines que vous êtes arrivé à Bures, donc c'est vrai que c'est en plein été, est-ce que vous avez des projets, des idées ? Comment voyez-vous votre nouvelle mission ? Sachant qu'en fait c'est la première fois que vous êtes vraiment en charge, en responsabilité d’une paroisse, si j'ai bien compris ?
Oui exactement. Comme le disait un auteur dont le nom m’échappe voilà je pense que c’est Roger Nimier : « un homme sans projet est l'ennemi du genre humain ». Lorsqu’on vient de débarquer je pense que la sagesse oblige à observer d'abord comment les choses fonctionnent et ce qui a été fait avant, comment ça se passe et prendre la température, pour pouvoir agir après. Je pense que je suis là pour voir qui fait quoi, et ce qu'on fait, et ce que je peux proposer, moi, vis-à-vis de ce qui se fait déjà. C’est un travail qui se fait ensemble, donc je ne viens pas comme un maître absolu qui vient donner des leçons sur quoi ce soit, non moi je viens plutôt apprendre, donc je viens faire la propédeutique. C’est ainsi que la première année pour moi est une année « en lien avec » le responsable de secteur, le Père Luc. Ce n’est que la deuxième année que je pourrai apporter des idées nouvelles, est-ce que cela signifie que je vais rester passif ? Non, je vais intervenir, mais avec réserve, et écoute. Les projets sont là mais pas pour maintenant.
Merci ! Une dernière question : Je ne sais pas si vous avez vécu le synode diocésain et les orientations qui en sont sorties ?
Moi je l’ai vécu à distance comme un grand observateur, je n’étais pas vraiment impliqué, donc c’est difficile que je donne un avis même si j’y vois quelque chose de positif : il faut toujours avoir cet esprit de travailler ensemble, de marcher main dans la main. Je pense que ce n'est pas aussi nouveau que ça comme démarche, l'Eglise fonctionne comme ça depuis longtemps même si on l’a un peu oublié. Mais depuis les pères de l'Eglise la synodalité c'était un concept-clé d'Eglise.
C’est ainsi que notre Seigneur Jésus quand il a envoyé ses disciples en mission c'était deux par deux. Etant aussi franciscain, voilà, Capucin, je suis issu de cette école-là : Saint François tenait beaucoup à cette fraternité, ou synodalité, toujours marcher ensemble. C'est ainsi que lui aussi, emboîtant le pas au Seigneur, envoya aussi ses disciples, ses frères en mission pour aller prêcher par la parole et par les exemples, deux par deux, toujours.
Donc pour résumer en tout cas j'attends avec enthousiasme ce document final et les orientations qu'on va essayer de mettre en pratique un peu partout.
D’emblée vous ressentez qu'une paroisse c'est aussi un lieu de fraternité ?
Justement, justement, c’est un lieu où les gens vivent en frères et sœurs. C'est pourquoi il y a ce cette expression « Eglise famille », c'est la solidarité, la compréhension mutuelle, l’écoute… Voilà une paroisse c'est d'abord ça, sans fraternité on ne peut pas parler de paroisse.