Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 3ème dimanche de Carême 2022
Se convertir à la tendresse
sur l'Evangile selon saint Luc 13, 1-9
Aujourd’hui, c’est le mot « se convertir » qui nous réunit. L’évangile que nous venons d’entendre vient immédiatement nous mettre dans le bain : ...
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de même ». Il s’agit de galiléens que Pilate avait fait massacrer… ou de 18 personnes tuées par la chute d’une tour. Ils se posent la question : Pourquoi eux ? Etaient-ils plus pécheurs que les autres ? Est-ce une punition de Dieu ?
Et Jésus de répondre : « Ni l’un, ni l’autre ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même ! » c’est-à-dire, dit autrement : « Si vous ne changez pas fondamentalement votre regard sur Dieu, vous allez mourir vous aussi, pas dans votre corps, mais dans votre être intérieur. » Car Dieu n’est pas un Dieu qui punit, il n’est pas un Dieu qui envoie des maladies, il n’est pas un Dieu qui fait mourir… mais il est un Dieu qui guérit, un Dieu qui sauve ! Le Pape François nous redit dans son exhortation Amoris Laetitia ce souci constant de Dieu de chercher inlassablement la brebis perdue dans ces termes : « Jésus est le pasteur de cent brebis, pas de 99. Il les veut toutes ! »
Notre conversion passe donc d’abord par ce changement radical de regard sur Dieu : il est Celui qui cherche à nous sauver à chaque instant. C’est sa préoccupation constante.
Le texte de l’Exode que nous avons écouté nous le montre de façon éclatante.
D’abord dans la façon d’attirer l’attention de Moïse : par un buisson en feu mais qui ne se consume pas : car le seul feu qui ne consume pas sa source d’énergie, c’est celui de l’amour… il n’y n’en a pas d’autre.
Ensuite, comme le dit la tradition juive, parce qu’il choisit de se révéler dans un simple buisson. Il n’a pas choisi un arbre majestueux, mais se révèle humblement dans un buisson épineux. C’est dire son regard de tendresse sur son peuple ; un regard qui n’écrase pas son peuple humilié, mais qui l’invite à se mettre debout dans l’adversité de son esclavage.
Enfin, le regard de Dieu est un regard de tendresse dans la façon dont il s’exprime à Moïse :
C’est un Dieu qui voit la misère de son peuple.
C’est un Dieu qui connaît les souffrances que vivent les hébreux.
C’est un Dieu qui entend les cris sous les coups des surveillants.
C’est un Dieu qui se déplace pour délivrer de l’esclavage et faire monter vers un pays où « ruisselle le lait et le miel »
Oui, c’est un Dieu de tendresse, fondamentalement !
Mais qui dit « tendresse » ne dit pas « mollesse ».
Quand Dieu se montre à Moïse sur le Sinaï, il se présente ainsi : « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité, qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché, mais sans rien laisser passer… » Tout est dit. Il ne faut pas confondre tendresse et mollesse. Dieu ne laisse rien passer. En comparaison, que dirait-on de parents qui, sous prétexte d’aimer leurs enfants, laisseraient tout passer… même ce qui peut être mauvais pour eux. On dirait que ce sont des parents qui n’aiment pas vraiment leurs enfants…
La grande découverte, c’est que Dieu est tendresse. C’est le sens de la parabole du figuier qui termine notre passage d’évangile. Elle nous montre un figuier qui ne donne pas de fruits depuis trois ans. Le propriétaire de la vigne prend une décision raisonnable : il ordonne au vigneron de l’arracher car il épuise la terre.
Mais le vigneron, lui, a un autre regard : il aime sa vigne et son figuier. « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir… »
C’est l’attitude de Dieu avec nous. Il cherche par tous les moyens à trouver la faille qui va permettre à son regard de tendresse de percer notre indifférence. Il nous faut donc nous convertir pour découvrir ce regard de tendresse de Dieu… et nous laisser habiter par lui.
Car si ce regard de Dieu nous habite, alors nous-même, nous deviendrons tendresse !
Père Guy de Lachaux
Crédit Photo : peinture de Bernadette Lopez, consulter les sites www.evangile-et-peinture.org et www.bernalopez.org