Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 5e dimanche de Carême 2021
Prendre soin de vivre la Bonne Nouvelle au cœur du monde
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Nous continuons notre route vers Pâques en essayant, semaine après semaine, de répondre à un appel, celui de « prendre soin » :
Prendre soin de la maison commune, prendre soin de notre relation à Dieu, prendre soin de notre assemblée d’Eglise, et la semaine dernière prendre soin de nos proches, de notre prochain.
Aujourd’hui, nous sommes invités à prendre soin de vivre la Bonne Nouvelle au cœur du monde ! C’est encore tout un programme : vivre la Bonne Nouvelle au cœur du monde ! Ce n’est pas du tout évident.
La Bonne Nouvelle dans nos églises, ça va encore. Mais la Bonne Nouvelle au cœur du monde, on se sent bien frileux et démunis. On a d’ailleurs souvent pris l’habitude de réduire la Bonne Nouvelle à une attitude altruiste, c’est-à-dire à essayer d’aimer les autres, à exercer la charité ! Mais c’est bien plus que cela… Alors, timidement, nous parlons, à la suite du pape François, d’aller dans le monde aux périphéries. Mais en fait, dans ce monde, nous y sommes déjà toute la journée. Quand je fais mon travail professionnel, est-ce que ça concerne le salut du monde ? La Bonne Nouvelle a-t-elle quelque chose à voir avec ça ? C’est cela la vraie question.
Alors laissons la Parole de l’Evangile d’aujourd’hui nous guider sur ce chemin. Voilà qu’elle nous parle de « grecs », c’est-à-dire ce que les juifs appelaient des « craignant-Dieu » venant d’un pays de culture grecque… pour faire un pèlerinage à Jérusalem à l’occasion de la grande fête de la pâque. Sans doute que la rumeur sur Jésus était arrivée jusqu’à eux, et qu’ils voulaient s’entretenir avec le nouveau prophète. Mais Jésus semble répondre complétement à côté. Il dit : « L’heure est venue où le Fils de l’Homme doit être glorifié » … En gros, si on sait lire entre les lignes, il leur répond : « Il n’y a rien à voir ! » … ou plutôt si, mais ce qu’il y a à voir est à venir : « L’heure est venue où le Fils de l’Homme doit être glorifié ! » Qu’est-ce à dire ? Il indique ainsi l’heure de sa mort sur la croix naturellement. Mais que veut dire ce mot « glorifié » ? Dans la Bible, la gloire, ce n’est pas ce moment où on est mis sur un piédestal. C’est tout à fait différent. C’est ce moment où on prend la mesure du poids qu’a la vie de quelqu’un. Et combien la vie de Jésus prend tout son poids d’amour, visible, perceptible, dans cet événement de sa mort sur la croix. C’est là qu’on voit son vrai visage : Bizarrement, son visage est transfiguré le jour où il est défiguré ! Saint Paul, en parlant de cet événement parle d’une folie, mais affirme aussi que cette folie de Dieu est plus sage que les hommes. Et il nous indique les chemins de cette folie : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ».
C’est bien sur ce chemin qu’il nous entraîne. Et c’est d’ailleurs ce qui a fait dire à Saint Irénée, au 2eme siècle, que « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». Ce qui révèle la gloire de Dieu, sa force profonde de salut, c’est quand l’homme en devient un vivant. Mais l’homme vivant, c’est quoi ? C’est celui qui accepte de prendre le chemin de Jésus dans sa vie. C’est un homme vivant, non seulement quand il s’engage dans l’Eglise ou qu’il essaye d’être présent aux plus pauvres, mais aussi quand il est vivant de la Bonne Nouvelle dans toute sa vie.
Car si Jésus est venu sauver l’homme, il est venu le sauver dans toutes les dimensions de son existence. C’est ce qu’a voulu développer l’Eglise depuis un siècle en élaborant ce que l’on appelle la « doctrine sociale de l’Eglise ». En effet la Bonne Nouvelle annoncée au monde se dit aussi dans notre manière de travailler, dans notre conception du bien commun. Quand Paul parle du don de l’Esprit, il ne le limite pas à la dimension religieuse… mais c’est ce don qui est en nous et qu’il nous propose de mettre au service du bien de tous.
Prendre soin de la Bonne Nouvelle au cœur du monde, c’est, à travers nos activités humaines, faire le choix de chemins qui mènent à la vie. Mais en même temps, nous le savons bien, ces choix mènent quelquefois à des combats… et même à des combats qui peuvent être difficiles. Cf. Danone.
Jésus ne l’a jamais caché, et il le redit ici : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive, et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur ». C’est clair. Cela nous fait passer par là où il est lui-même passé… c’est dans l’ordre des choses.
Être porteur de la Bonne Nouvelle dans le monde n’est pas chose aisée car ce monde est tiraillé par des forces multiples, dont certaines sont des forces qui ne tiennent pas compte de l’homme, ou de la réussite de la création. Aujourd’hui, par exemple, on parle avec beaucoup d’appétit du bitcoin. Mais derrière cela c’est le profit financier déconnecté de tout facteur humain qui domine. Où cela va-t-il ? Qu’est-ce que ça construit ?
Chacun d’entre nous, à travers l’activité qu’il exerce, est invité à laisser la Bonne Nouvelle orienter ses choix. Ce ne sera pas la révolution ! Pour l’un ce sera dans son service faire le choix de la subsidiarité, pour un autre ce sera celui du respect du bien commun, pour un troisième la dignité de l’homme qui sera mise en premier, alors que pour un quatrième ce sera la mise en avant du service rendu… Pour tous, c’est ce désir de vivre la Bonne Nouvelle au cœur du monde.
C’est à travers tout cela que se joue aussi, et au quotidien, la Bonne Nouvelle du Christ.
Et, ne nous y trompons pas, c’est ainsi que nous sommes appelés à nous mettre à la suite du Christ. Nous le savons, nous venons de nous le dire il n’y a pas plus d’une minute : « Là où moi je suis, dit le Christ, là aussi sera mon serviteur » … mais il est dit aussi : « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera ».
Père Guy de Lachaux