Homélie du Père Guy de Lachaux pour le 3e dimanche de Carême 2021
Prendre soin de ma communauté d'Eglise
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« Prendre soin de ma communauté d’Eglise » : telle est la porte d’entrée de notre réflexion de cette semaine.
En effet, cette assemblée d’Eglise que nous sommes, elle est importante… même pour celles et ceux qui ne la fréquentent guère. Car elle est comme un point de repère, mais un point de repère vivant, de l’initiative de Dieu dans la société des hommes. Je dis bien vivant, car c’est autre chose qu’un bâtiment, même très vénérable : ce sont des femmes et des hommes qui se rassemblent, qui prient, qui prennent des initiatives. Pour ceux qui ne voient que le bâtiment, ils trouvent néanmoins une église ouverte, un lieu entretenu, des affiches et des informations, et même des bougies mises à leur disposition. S’ils ne se réunissent pas avec les chrétiens, ils en profitent ! Il m’arrive d’ailleurs de faire remarquer à des personnes qui viennent faire baptiser leur enfant et qui s’annoncent « non pratiquants », qu’ils ont la chance de trouver une Eglise qui les accueille et qui les mène vers le baptême qu’ils désirent pour leur enfant… mais que, s’ils continuent à ne pas se rassembler au nom du Christ avec les autres chrétiens, leurs enfants, eux, ne trouveront personne pour les accueillir. Ils trouveront porte close !
Alors essayons de creuser l’importance de cette assemblée d’Eglise, mais surtout la raison profonde de son existence.
Le premier texte de ce dimanche signe son acte de naissance. Ce sont les 10 paroles données par Dieu à Moïse - les 10 commandements - au cœur d’un événement sans précédent : c’est une alliance scellée entre Dieu et une horde de réfugiés en fuite qui devient ainsi un peuple. En effet Dieu avait besoin que se constitue un peuple dans l’histoire humaine qui le prenne pour son guide et cette horde avait besoin de règles pour ne pas vivre dans l’anarchie mais comme un peuple d’hommes libres. Cette assemblée qui s’est ainsi créée l’était sous l’égide d’une alliance. C’est cela sa marque de fabrique d’origine, son ADN de base : Des hommes et Dieu se rassemblent autour d’une alliance.
C’est donc aussi l’ADN de base de nos assemblées chrétiennes.
Cette alliance était importante mais aussi, au cours de l’histoire, elle a été maintes fois sérieusement écornée. Mais Dieu, même aux pires moments, ne l’a jamais abrogée… car l’existence de cette assemblée constituée en Peuple de Dieu était essentielle pour Lui. Elle était comme le cocon dans lequel allait naître et grandir Jésus. Lui, il allait sceller une nouvelle alliance avec tous les hommes, non plus seulement avec un peuple, et créer une nouvelle assemblée, un nouveau peuple de Dieu, dont le cœur allait être un sanctuaire nouveau :
« Détruisez ce sanctuaire, dit Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui, et en trois jours je le relèverai… mais Lui parlait du sanctuaire de son corps ! » Il ne s’agit pas de n’importe quel corps, mais c’est son corps livré, son sang versé, c’est-à-dire que ce qui est au cœur de ce nouveau peuple, c’est le don d’une vie, c’est un amour fou. C’est d’ailleurs cela qu’a découvert saint Paul quand il dit : « nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les nations païennes ».
Voilà ce qui va faire battre le cœur de cette nouvelles assemblée… que saint Paul va appeler : le corps du Christ… et chacun d’entre nous, nous devenons par notre baptême les membres de ce corps… mais pas n’importe quel corps : c’est le corps livré du Christ, le Christ qui se donne dans tout son être à l’homme.
Et quand nous venons communier, et que le prêtre nous dit en nous présentant l’hostie : « Le corps du Christ », avons-nous conscience de ce que représente notre « Amen » ? Il dit : ‘Oui, je fais partie de ce corps livré du Christ au monde’, c’est-à-dire de cette communauté d’Eglise chargée d’être au coeur du monde le Christ qui se livre, qui se donne – on dirait corps et âme – pour que l’homme vive.
Alors quelquefois, quand nous venons communier, nous chantons allègrement :
« Nous sommes le Corps du Christ, chacun de nous est un membre de ce corps, chacun reçoit la grâce de l’Esprit pour le bien du corps entier » ; mais savons-nous bien ce que nous chantons ?
Nous chantons d’abord que nous sommes intimement liés au Christ dans l’acte même dans lequel il se donne par amour jusqu’au don de sa vie, et donc que nous devenons nous-même vie livrée !
Nous chantons que cela nous agrège, nous lie de façon indélébile à la Communauté d’Eglise dont la mission est d’être signe, au cœur de l’histoire humaine, du Christ qui se donne à nous pour que nous vivions de Lui.
Nous chantons que nous sommes un membre de ce corps et donc que notre destin est lié à ce Corps.
Nous chantons que nous sommes avec le Christ en mouvement d’amour, de vie donnée, dans notre vie de chaque jour.
Nous chantons que chacun des membres de ce corps est un frère ou une sœur de sang, alimenté par la même sève, celle de l’Esprit.
Alors…
Prendre soin de ma communauté d’Eglise, cela va être essentiel… comme on prend soin de son propre corps.
Prendre soin de ma communauté d’Eglise, cela va être de toujours redonner à ma communauté sa véritable vocation : d’être signe concret et visible de cet amour fou de Dieu pour l’homme qui va jusqu’au don de sa vie… et avec qui nous sommes liés par une alliance.
C’est dans cette perspective que nous pouvons comprendre le Sacrement de la Réconciliation : il est cette démarche essentielle à travers laquelle nous exprimons la distance que nous mettons dans nos vies avec cette vocation, mais aussi la miséricorde de Dieu qui est toujours prêt à redonner toute sa profondeur à cette alliance.
Père Guy de Lachaux