Méditation sur l'évangile de l'aveugle-né - 4ème dimanche de Carême 2020
Appelés à vivre en enfants de lumière.
Commencez par lire tranquillement cet évangile.
Laissez des mots, des phrases résonner en vous.
Puis lisez la méditation...
Évangile de saint Jean 9, 1-41
En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour ; la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler. Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.
Ses voisins dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble.» Mais lui disait : « C’est bien moi.» Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? » Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : ‘Va à Siloé et lave-toi.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. » Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »
On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. » …
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’à présent il voie ? » Les parents répondirent : « Nous savons bien que c’est notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir maintenant, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » …
Les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? » Ils se mirent à l’injurier…
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » …
Et ils le jetèrent dehors.
Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors. Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Méditation
La dernière phrase de cet évangile nous en dit long sur le projet de Jésus : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question (sens du mot jugement) ».
Quand on veut remettre en question, c’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas, qui fonctionne de travers.
Quelle est donc cette remise en question ? Elle porte sur la manière dont on voit les choses : « … que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles ».
A l’avis du Christ, nous avons un sacré problème de vue car si on voit, on voit de travers ; et si on est aveugle, on a besoin de voir ! Et même, il vaut mieux être aveugle que de voir de travers. Car le Christ l’a dit : « La lampe de ton corps, c’est ton œil. Si ton œil est sain, ton corps tout entier sera dans la lumière. Mais s’il est malade, ton corps tout entier sera dans les ténèbres » Matthieu 6/22-23
Tout passe en effet à travers le filtre de notre œil. Et donc l’essentiel, c’est que nous entreprenions de transformer nos manières de voir et même, de sortir de nos aveuglements. C’est cela l’aventure de la foi.
Regardons tout le chemin parcouru par cet aveugle. Il est aveugle de naissance ! Mais ne le sommes-nous pas nous aussi, en partie ?
Le premier acte de sa guérison consiste à faire de la boue avec de la terre et de lui en enduire les yeux… cela nous rappelle l’acte créateur de Dieu ; en genèse 27, Dieu en effet « modela l’homme avec de la poussière du sol et insuffla dans se narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant ». C’est le premier temps, l’acte créateur, celui que nous vivons tous à notre naissance. Mais est-ce ainsi que l’on voit ? Rien n’est moins sûr. On croit voir… mais voit-on vraiment ?
Dans un deuxième temps, Jésus l’envoie se laver à la piscine de Siloé et, « quand il revint, il voyait ! » C’est l’eau du Baptême qui nous ouvre les yeux. Mais encore faut-il se laisser transformer pour vivre les yeux ouverts.
Et en effet, il y a un troisième temps, très long, celui-là. C’est un temps où Jésus disparait et où il faut vivre cette réalité nouvelle avec l’entourage… et où il faut prendre position… où il faut vivre au jour le jour avec cet événement… C’est tout ce temps qui suit notre baptême. Notre véritable guérison se joue dans ce temps, au jour le jour ; cela fait passer lentement cet aveugle de « c’est un homme qu’on appelle Jésus » à « c’est un prophète », à « c’est un homme qui vient de Dieu », à … la scène finale :
« Crois-tu au Fils de l’homme ? » - « Qui est-il Seigneur pour que je croie en lui ? » - « Tu le vois, c’est Lui qui te parle » - « Je crois Seigneur ».
Que de temps, que de questions, que de débats, que de doutes… pour en arriver à ces trois mots !
En fait, nous sommes tous des aveugles de naissance qui sont invités au travers des événements de la vie à nous laisser lentement ouvrir les yeux à la véritable lumière.
Père Guy de Lachaux